DU CHAMPAGNE POUR LES VIVANTS
Du champagne pour les vivants
Dans les bals et les thé dansants
À ressasser les bals d’antan
Mais le passé, c’est du passé
Le carnet de bal de mamie
Il y a longtemps qu’il s’est fané
Le peu qu’il en reste aujourd’hui
Est une stèle à sa beauté
Du champagne pour les vivants
Au moins pour ceux qui sont à bord
S’il en est qui sont à la mer
Ou à la marge ou à la guerre
Ou bien à chercher des trésors
Qu’ils tournent au vin et à la bière
Qu’on se détourne d’eux alors
Qu’on les oublie, qu’on les enterre
Un jour
Je verrai l’horizon
On dit que les rayons du soleil y sont rouge sang
Au bord de l’océan
Au bord du bord du monde
Je pourrai voir le crépuscule si j’y arrive à temps
Du champagne pour les vivants
Puisque le monde a rétréci
Je me le rappelais plus grand
Peut-être un peu plus beau, aussi
Oui mais le monde a rétréci
Depuis que nos ailes ont poussé
Il suffit pour le traverser
De quatre jours et quatre nuits
Du champagne pour les vivants
Et du ciment pour nos campagnes
Et du béton pour nos enfants
Des châteaux de cartes en Espagne
Et des monuments pour les morts
Alors d’accord, faisons semblant
Vivons d’amour et de vin blanc
Oublions l’envers du décor
Du champagne pour les vivants
Et pour les morts tant pis, allez
Puisqu’il faut savoir renoncer
Qu’il faut savoir jeter les gants
Un jour je reverrai l’Espagne
Un jour du haut de ses montagnes
J’irai tutoyer le soleil
Et l’Atzùvia et ses merveilles
Mon Don Juan et son piano
Vibrant des airs que j’aimais tant
Du champagne pour les vivants
Pour les vivants pas de repos
Allez les gins à la lumière
Des torches dans le patio
Pour les vivants qui coulent à flots
Et pour les morts, les cimetières
Un jour
Je reverrai l’Espagne
Du haut de ses montagnes j’irai tutoyer le ciel
Ô pays de merveilles
Ô pays de cocagne
Où l’on dit que les rêves sont à portée de nos ailes
Du champagne pour les vivants
Et des monuments pour les morts
Des monuments aux conquérants
Et de l’or aux conquistadors
Du vide pour les vétérans
La rue à ceux qui n’ont plus rien
Qu’ils tournent à la bière et au vin
Qu’ils tournent en vain en errant
Du champagne pour les vivants
Puisqu’il y a tant à oublier
Qu’on est bons qu’à brasser du vent
Puis bons qu’à s’écouter chanter
Allez à la fête, à la fête !
Moi je ne veux qu’aller danser
L’alcool et les robes de soirées
Sont bons qu’à faire tourner les têtes
Du champagne pour les vivants
Et des gadins pour les rêveurs
Pour les gamins, du rien, du vent
Et des déserts aux déserteurs
Pour les prolos de mauvais lits
Du mauvais vin, de mauvais taux
Que la misère soit levée tôt
Qu’elle vive une mauvaise vie
Du champagne pour les vivants
Donner des bals et des leçons
Donner des bals de temps en temps
Danser sur de l’accordéon
Pour qu’on oublie, faut qu’on oublie
Je fus princesse quelques heures
J’ai failli toucher le bonheur
Je fus sacrée reine une nuit
Un jour
Je reverrai l’orage
Je sentirai la rage me revenir, ma vieille amie
Ô fureur endormie
Ô déesse sauvage
Déchirant les nuages, déchaînant la foudre et la pluie
Si j’avais su pour la guerre !
Si j’avais su !
Si j’avais su que l’on ne peut faire marche arrière !
Si j’avais su m’arrêter !
Si j’avais su !
Si j’avais su qu’il aurait fallu s’opposer !
Si j’avais su, mais je voulais me reposer !
Du champagne à tous ceux qui ont abandonné !
Un jour
Je reverrai l'Espagne
Du haut de ses montagnes je tutoierai le soleil
Aux marchands de sommeil
Je reprendrai ma hargne
Je reprendrai mes rêves avant qu'on les recèle
Du champagne pour les vivants
Je suis vivant, j’en veux aussi
J’en veux ma part, j’en veux maintenant
Du champagne et de l’eau-de-vie
Du champagne pour les vivants
Je veux que ma coupe soit pleine
Je veux être roi, que les reines
Viennent à moi en minaudant
Du champagne pour les vivants !
Des châteaux d’or et de cristal
Des bijoux de nacre et d’opale
Du champagne pour les vivants !