FAIRE DES FAUTES
Faisons un point sur un sujet épineux : l’orthographe, la syntaxe, la grammaire… Le « bon français » de manière générale.
Les fautes de français sont source d’anxiété chez nombre de jeunes auteur.ices et source d’agacement chez nombre de lecteur.ices de tous âges. Certain.es d’entre vous en font certainement beaucoup, d’autres n’en font pas, certain.es disent qu’en voir leur fait mal aux yeux, et d’autres s’en moquent…
Aujourd’hui, posons-nous la question : faire des fautes, est-ce grave ?
NON
Non, faire des fautes de français n’est pas grave, et nous allons voir pourquoi rapidement.
Tout le monde fait des fautes
Si vous faites des fautes, rassurez-vous, vous n’êtes pas un cas unique. Votre serviteur notamment en accumule des dizaines par jour… Les journalistes du Figaro font des fautes, qu’ils dénoncent eux-mêmes. Il y a une faute dans notre Constitution. Bref, partout, tout le monde, tout le temps, fait des fautes. Si vous n’en faites pas, soit vous êtes effectivement le.la seul.e, soit vous ne vous rendez pas compte que vous faites des fautes. Je vous laisse en juger par vous-même.
En fait, tout le monde fait tellement tout le temps des fautes de français que de nombreux outils ont été développés pour répondre au problème. Les correcteurs automatiques intégré aux logiciels de traitement de texte en font disparaître beaucoup. Quand un texte a vocation à être publié, il passe entre les mains de relecteur.ices, de correcteur.ices, d’éditeur.ices, etc.
En ce qui concerne le scénario, le texte n’a justement pas vocation à être publié. Votre lecteur.ice est un.e producteur.ice, ou un comité de lecture quelconque. Vous leur transmettez directement ce que vous avez écrit, sans véritable processus d’édition.
Une question se pose : si ce n’est pas grave de faire des fautes, et si mon scénario ne sera jamais présenté tel quel au public, pourquoi même poser les fautes comme un problème ?
Les lecteur.ices n’aiment pas les fautes
Nous n’allons pas nous étendre ici sur le problème de savoir si la notion même de faute est légitime, ni de comment et pourquoi l’idée d’un « bon français » a été construite… Nous n’allons pas non plus nous demander s’il est de bon ton de corriger les autres quand ils s’expriment.
Le fait est qu’à tort ou à raison, une proportion non négligeable des personnes qui seront amenées à vous lire accorde beaucoup d’importance à l’absence de fautes dans ce qu’iels lisent. La présence d’un trop grand nombre de fautes de français donne une impression de nonchalance, voire de paresse de la part de l’auteur.ice. Elle peut même être perçue comme un manque de respect. De plus les producteur.ices et lecteur.ices reçoivent énormément de choses — plus qu’iels ne peuvent en lire —, et tout prétexte est souvent bon pour faire un tri. Les fautes de français peuvent être un premier critère de sélection, pas moins valable qu’un autre.
Je tiens à préciser ici que, bien sûr, le raisonnement : « Le texte est plein de fautes, donc l’auteur.ice n’est pas bon.ne » est absurde. En revanche, le raisonnement : « Le texte est plein de fautes, donc l’auteur.ice n’a pas pris la peine d’utiliser les outils à sa disposition pour éviter ça, même en sachant que la plupart de celle.ux qui vont le lire est assez regardante sur la question, donc iel n’est pas aussi investi.e que d’autres qui ont pris cette peine » ne l’est pas tant que ça.
Vous avez donc a priori tout intérêt à ce que votre expression écrite se rapproche le plus possible de la norme.
Faisez-vous bien voir, faisez pas de fautes
Alors comment faire ? Tout d’abord notons qu’il est tout à fait possible d’apprendre à faire moins de fautes, même sur le tard. C’est peut-être plus compliqué que d’apprendre à l’école, mais c’est faisable. Si vous n’en avez pas le temps, ou si la difficulté vous semble insurmontable, il n’y a pas de secret…
Relisez-vous, faites-vous relire
Entre une première version de quoi que ce soit et une version définitive, beaucoup de modifications sont apportées au texte. Il est édité, mis en page, corrigé… Le texte que vous lisez en ce moment est passé par plusieurs relectures et plusieurs versions — que je l’aie relu moi-même ou soumis à l’approbation d’autres personnes. Il peut aussi avoir été corrigé après sa mise en ligne.
J’ai écrit plus haut que je faisais plusieurs dizaines de fautes par jour. Des fautes de frappe, des fautes de conjugaison, des fautes d’accord… D’ailleurs, si vous en trouvez dans cet article, n’hésitez pas à les signaler. Pourtant la plupart des gens qui me lisent s’accordent à dire que j’écris sans faire trop de fautes. Ce n’est pas un paradoxe. C’est parce que je me relis avant d’envoyer ce que j’écris à quelqu’un, et que je me fais relire avant d’envoyer quelque chose à quelqu’un que je ne connais pas.
Si vous ne vous pensez pas capable de vous relire vous-même, faites-vous relire. D’ailleurs, si vous vous pensez capable de vous relire vous-même, faites-vous relire quand même. Si possible par plusieurs personnes. Sur un texte de quelques dizaines de milliers de mots, il est impossible qu’aucune faute ne vous ait échappé. Les joueuses d’Eldarya les plus attentives repèrent des fautes dans les épisodes après qu’ils ont été relus par quatre ou cinq personnes. De surcroît, les pièges sont innombrables, et les cas qui font débat aussi. Les “règles” du français ont ceci en commun avec le Code des pirates de Bartholomew et Morgan qu’elles sont plutôt… une sorte de guide.
Si se relire et se faire relire sont de bonnes méthodes, ce sont néanmoins des méthodes chronophages. Regardons un peu comment gagner du temps en limitant le nombre de fautes à la ligne dès la première version.
Soyez vigilant.e
Je sais bien que c’est un conseil absurde, au même titre que « Sois prudent.e ! » ou « Fais attention ! » Cependant quelques fautes de français sont extrêmement communes, et donc extrêmement mal vues.
En effet les fautes rares, les pièges, les cas limites, sont facilement pardonnables, et peuvent même donner à cellui qui repère — ou croit repérer — la faute un sentiment de supériorité, et donc un shoot de dopamine. Ainsi, si vous écrivez : « Autant pour moi ! » le.la lecteur.ice pourra se dire : « Ha ha ! On écrit : « Au temps pour moi ! » Moi, je ne me serais pas laissé.e avoir ! » Notons qu’ici le.la lecteur.ice a tort, mais qu’importe. La plupart des fautes “rares” ne sont de toute façon pas repérées par les lecteur.ices. Pour la simple raison que les subtilités de la langue sont vraiment, vraiment complexes, au point que personne ne les connaît. Les cas subtils d’accord du participe passé en sont un excellent exemple.
Les fautes très communes, donc, sont les plus mal vues. Au moment de l’écriture ou de notre première relecture, concentrons notre vigilance sur celles-ci. Jetons un œil aux plus faciles à éviter.
La ponctuation
Sans entrer dans le détail de l’effroyable bazar des différences entre espace et espace fine, ou l’utilisation des guillemets français ou anglais, précédés ou non de deux points… Allons au plus simple.
En règle générale, on met un espace avant les signes de ponctuation doubles, que sont : ; ? ! et pas d’espace avant les signes simple que sont , . Les points de suspension sont au nombre de trois, pas deux… Et ne suivent pas “etc”, qui est suivi d’un point. “…” et “etc.” ont le même sens. Globalement, on ne double pas les signes de ponctuation : pas de “??”, ni de “!!”. Soit un seul, soit trois, comme pour les points.
Le passé composé
Que les règles d’accord mentionnées plus haut ne soient pas parfaitement appliquées est tout à fait compréhensible. En revanche, essayez d’éviter au maximum de placer des infinitifs (en -er) à la place de vos participes passés de verbes du premier groupe. Écrire : « Je l’ai croiser sur le chemin. » vous vaudra à coup sûr un froncement de sourcils réprobateur.
Pour éviter la faute, la technique est connue : remplacer le verbe que vous conjuguez par un verbe du troisième groupe. « Je l’ai voir sur le chemin. » L’erreur devient criante. “Voir” devrait être “vu”, et “croiser” devient donc “croisé” ou “croisée”.
Le à et le a
J’ai bien peur qu’il ne faille l’apprendre par cœur : “a” sans accent est la troisième personne du présent du verbe “avoir”. « Jean-Jean a six saucissons. » Il est utilisé tel quel comme auxiliaire si vous conjuguez au passé composé : « Jean-Jean a mangé tous ses saucissons. On peut dire qu’il a bien mangé. »
Et “à” avec accent grave est la préposition qui sert un peu à tout. « Jean-Jean va à la charcuterie. Le charcutier donne six saucissons à Jean-Jean. » Il peut être remplacé par “au” : « Jean-Jean va au marché. »
La conjugaison en général
La conjugaison en français est un enfer. Les exceptions sont légion : certains verbes (dits défectifs) ne se conjuguent pas à certains temps (distraire n’a pas de passé simple, allez savoir pourquoi), et/ou pas à certaines personnes (je ne peux pas pleuvoir), certains n’existent que sous leur forme infinitive (conjuguez sans coup férir)…
Ici, pas d’astuce : dans le doute, gardez un onglet ouvert sur une page de conjugaison. Personnellement j’utilise celle-ci, si vous avez de meilleures adresses je suis preneur. J’aime bien celle-ci en particulier notamment parce que les changements d’accents et les voyelles doublées sont surlignés, ce qui est bien pratique.
Vous avez un doute ? Vérifiez
Les questions à régler au cas par cas sont très nombreuses. Jetez un œil aux règles d’accord des adjectifs de couleur pour vous en convaincre. La science d’écrire les nombres en toutes lettres en est également un bon exemple. Si vous ne voulez pas cliquer sur le lien, pour vous faire une idée, pour écrire en lettres les nombres de 0 à 4 il y a déjà quatre règles spécifiques, dont deux concernent le 1.
Ici encore, donc, pas de règle, pas de technique : soit vous apprenez par cœur toutes les exceptions, les invariables, etc. Soit vous cherchez à chaque fois. Je suis personnellement de ceux qui cherchent à chaque fois. Si vous êtes comme moi, vous trouverez les différentes ressources utilisées ici en bas de l’article.
Conclusion
Pour clôturer cet article, résumons. Faire des fautes de français, ce n’est pas mal, et ce n’est pas grave. Tout le monde en fait.
Si vous en faites beaucoup, n’en ayez pas honte ; si vous en faites peu, n’en soyez pas fier ; si vous n’en faites pas, vous vous trompez.
Gardez cependant à l’esprit que votre capacité à vous rapprocher de la norme écrite est aujourd’hui un critère de sélection, dans un milieu qui reste — libre à chacun de le déplorer ou de s’en réjouir — compétitif.
Je vous laisse sur un dernier conseil, d’ordre général : faites simple. Si vous n’êtes pas à l’aise avec les phrases alambiquées et leur cortège de règles d’accord absconses, faites simple. À plus forte raison si vous écrivez des scénarios. Un script n’est pas une œuvre littéraire, c’est un document technique qui se doit avant tout d’être clair et compréhensible. Vous pouvez largement vous contenter de phrases sur le modèle : « Sujet Verbe Complément », écrites au présent de l’indicatif. Pour le corps du texte en tout cas ; les dialogues sont un autre problème.
Pour aller plus loin
Si comprendre pourquoi le français est aussi inutilement compliqué et les Français.es aussi à cheval sur l’orthographe vous intéresse, je vous recommande vivement de suivre Laélia Véron sur Twitter, d’écouter le podcast Parler comme jamais qu’elle co-écrit avec Maria Candea, et d’aller suivre Linguisticae sur YouTube. Si vous avez d’autres adresses dans le même genre, votre serviteur est très preneur.
Je vous remets également ici quelques ressources utiles à garder sous le coude en écrivant :
- Écrire les nombres en lettres
- Les accords d’adjectifs de couleur